Expériences et rôles des spectateurs, d’un contexte à l’autre

Experiences and roles of spectators in and outside the theatre

Vendredi 9 et samedi 10 septembre 2022

École Normale Supérieure de Lyon – Université Lumière Lyon 2
Laboratoire HiSoMA (UMR5189)

Workshop international commun du projet émergent InSpectA (Intelligences et Sens des Spectateurs dans l’Antiquité, Anne-Sophie Noel) et du programme « Dramaturgie et allusion » (Pascale Brillet-Dubois)

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Lieu : ENS de Lyon, site Descartes, 15 parvis Descartes, 69007 Lyon (métro B, arrêt Debourg)
Salle D8-001 (vendredi 09/09) et D2-034 (samedi 10/09)

Inscription conseillée (et nécessaire pour obtenir les liens de connexion Zoom) / it is preferable to sign up (especially to receive the Zoom connection links) : merci de cliquer  ici /please click here.

Liste des intervenants : 

• Mohammad Atari (Harvard University)
• Pascale Brillet-Dubois (Université Lumière Lyon 2)
• Felix Budelmann (University of Groningen)
• Jennifer Devereaux (Harvard University)
• Al Duncan (The University of North Carolina, Chapel Hill)
• Hanna Golab (New York University)
• Mathieu Hainselin (Université Picardie Jules Verne)
• Vayos Liapis (Open University of Cyprus)
• Christine Mauduit (PSL, ENS Ulm)
• Théo Millat-Carus (Université Lumière Lyon 2)
• Anne-Sophie Noel (ENS de Lyon)
• Anna Novokhatko (Aristotle University of Thessaloniki)
• Martin Revermann (University of Toronto)
• Gabriele Sofia (Roma Tre)
• Dimos Spatharas (University of Crete, Rethymno)
• Evert van Emde Boas (Aarhus University)
• Naomi Weiss (Harvard University)

Avec deux tables rondes / With two roundtables :

• Théâtre antique et sciences expérimentales : quelles collaborations ? Potentialités, limites, perspectives  (Ancient drama and collaborations with the experimental sciences – potentialities, limits, perspectives)
• Textes et culture matérielle : comment élargir le corpus de sources sur l’expérience des spectateurs antiques ? (Textual and material evidence: enlarging our corpus of sources on the experience of ancient spectators)

 

Argumentaire :
[English below]

Au livre VI de la République, qui relate une discussion dont le cadre fictionnel se situe vers 410 avant J.-C., Socrate reproche aux lieux publics où se rassemblent les jeunes gens de les pervertir, et cela « chaque fois qu’une foule d’hommes est assise en masse compacte, dans des assemblées, des tribunaux, des théâtres, des camps ou quelque autre rassemblement public et populaire, qu’à grand tumulte, ils blâment ou louent paroles et actions, dans les deux cas avec excès, par des huées et des applaudissements, et qu’en outre, les roches et le lieu dans lequel ils se trouvent redoublent  le tumulte du blâme et de la louange, en en répercutant l’écho » (Rép., VI, 492b-c, Éd. É. Chambry, CUF, 1956). Un rapport de continuité, sinon d’identité, est donc posé entre théâtre et autres lieux de rassemblement public et les « spectateurs » semblent s’y comporter de manière comparable. Ce sont précisément ces pratiques spectatoriales multiples, ayant cours dans l’Athènes du V^e siècle avant J.-C., que ce workshop se propose d’étudier, afin de saisir la façon dont elles cumulent, juxtaposent, ou cloisonnent diverses expériences acquises dans de multiples lieux de spectacles, au sens large du terme.

De fait, les spectateurs de théâtre appartiennent à divers groupes et sous-groupes socio-culturels (Roselli 2011, Robson 2016) et sont confrontés, dans leur vie publique ou privée, à diverses pratiques et situations spectatoriales. En tant qu’hommes (ou femmes ?), citoyens et non-citoyens, ils importent au théâtre leur expérience antérieure des représentations : par exemple, les citoyens athéniens libres – mais peut-être aussi les femmes (Budelmann, Power 2015) – sont détenteurs d’une éducation et d’une culture chorale commune (Revermann 2006), et assistent donc aux spectacles non en tant que néophytes mais en initiés. Les citoyens athéniens, on peut le supposer, mobilisent également leur bagage politique de participants à la vie publique de leur cité à travers diverses charges. Les personnages d’Aristophane s’adressent explicitement aux bouleutes, mais le poète n’oublie pas non plus la présence dans le public d’étrangers (métèques). Les spectateurs de théâtre sont également acteurs et public au « spectacle judiciaire » donné dans les tribunaux de la cité (Villacèque 2013). Ils sont encore officiants ou participants dans des rituels et des festivals religieux prenant place dans un cadre public et privé. Ils sont pères, frères, oncles, fils, (et dans le cas des femmes, mères et filles), et reçoivent le spectacle en tant que membres d’un oikos dont les fonctions et les affects sont également socialement déterminés. On suppose qu’ils peuvent également lire le spectacle à la lumière de leur connaissance et de leur pratique d’autres formes artistiques, notamment visuelles et plastiques (Hedreen 2007). Au théâtre, les poètes peuvent donc assigner aux spectateurs des « identités » ou des « rôles » multiples – deux notions à interroger –  mais il convient aussi de penser la manière dont le rôle de “spectateurs de théâtre” pouvait être convoqué dans d’autres contextes que celui du spectacle théâtral.

Cette rencontre permettra de réfléchir à ces questions à nouveaux frais. Elle prendra la forme d’un workshop ménageant des temps de réflexion collective autour des textes et des méthodes, avec l’objectif de faire émerger des stratégies méthodologiques renouvelées.

Les questions suivantes seront examinées :

• Quelles sources historiques nous renseignent sur ces divers « rôles » des spectateurs ?
• Faut-il parler de « rôles » ou d’ « identités » spectatoriales ? Les débats sociologiques actuels sur la théorie des rôles sociaux peuvent-ils nous éclairer sur ce point (Coenen-Huther 2005) ?
• Le cas échéant, comment les dramaturges les sollicitent-ils ? Comment les textes tragiques et comiques intègrent-ils, implicitement ou explicitement, ces données concernant les spectateurs dans leur diversité ?
• Ces « rôles » ou ces « identités » se superposent-ils ou peuvent-ils être cloisonnés ?
• Impliquent-ils des registres ou des régimes de participation différents aux spectacles ?
• Dans quels contextes extra-théâtraux (comment, et à quelles fins) les spectateurs se voyaient-ils assignés le rôle de spectateurs de théâtre ?
• Quels concepts psychologiques et cognitifs, anciens ou modernes, peuvent être mobilisés pour penser ces transferts de sensibilités, d’imagination, de compétences, d’un domaine à un autre ?

Références citées :
Budelmann F., T. Power T., Another Look at Female Choruses in Classical Athens. Classical Antiquity 1 October 2015; 34 (2): 52–295.
Coenen-Huther J., « Heurs et malheurs du concept de rôle social », Revue européenne des sciences sociales, XLIII-132 | 2005, 65-82.
Hedreen, G. (2007). Involved spectatorship in archaic Greek art. Art History, 30(2), 217-246.
Revermann, M. (2006). The competence of theatre audiences in fifth-and fourth-century Athens. The Journal of Hellenic Studies, 126, 99-124.
Robson, J. (2017). Humouring the masses: the theatre audience and the highs and lows of Aristophanic comedy. In Grig, Lucy (ed.), Popular culture in the ancient world, Cambridge: Cambridge University Press, 66-87.
Roselli, D. K., 2011. Theater of the People: Spectators and Society in Ancient Athens. University of Texas Press.
Villacèque, N. Spectateurs de paroles : Délibération démocratique et théâtre à Athènes à l’époque classique. Nouvelle édition [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2013 (généré le 15 juillet 2021).

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Experiences and roles of spectators in and outside the theatre

September, 9-10th, 2022

ENS of Lyon – University of Lyon 2 

Organisers: Anne-Sophie Noel, Pascale Brillet-Dubois
Research Unit HiSoMA

In Book VI of the Republic, which recounts a discussion fictionally set around 410 BC, Socrates accuses the public places where young people gather of perverting them, and this “when the multitude are seated together in assemblies or in court-rooms or theaters or camps or any other public gathering of a crowd, and with loud uproar censure some of the things that are said and done and approve others, both in excess, with full-throated clamor and clapping of hands, and thereto the rocks and the region round about re-echoing redouble the din of the censure and the praise.” (Rep., VI, 492b-c, transl. P. Shorey, 1969). A relationship of continuity, if not identity, is thus established between the theatre and other places of public gathering, and the “spectators” seem to behave in a comparable manner. This workshop proposes to focus on these multiple spectatorial practices in 5th-century Athens, in order to better grasp the ways in which they accumulated, juxtaposed or compartmentalized various experiences acquired in multiple performance venues, in the broadest sense of the term.

In fact, theatergoers belonged to a variety of socio-cultural groups and subgroups (Roselli 2011; Robson 2016) and were confronted, in their public or private lives, with a variety of spectatorial practices and situations. As men (or women?), citizens and non-citizens, they importer their prior experience of performances into the theater. For example, free Athenian citizens – but perhaps also women (Budelmann & Power 2015) – possessed a common education and choral culture (Revermann 2006), and thus attended performances not as neophytes but as “insiders.” Athenian citizens, one might assume, also mobilized their political baggage as participants in the public life of their city. The characters of Aristophanes explicitly address the bouleutes, but the poet did not forget either the presence in the public of foreigners. Theater spectators were also actors and audience at the “judicial spectacle” given in the courts of the city (Villacèque 2013). They were also officiants or participants in religious rituals and festivals taking place in a public or private setting. They were fathers, brothers, uncles, sons, (and in the case of women, mothers and daughters), and received the spectacle as members of an oikos whose functions and affects were also socially determined. Finally, it is assumed that they could also interpret the performance in light of their knowledge and practice of other art forms, especially visual arts (Hedreen 2007). In the theatre, poets can thus assign multiple “identities” or “roles” to spectators – two notions to be questioned – but we must also think about the ways in which the roles of “theater spectators” could be summoned in other contexts than that of theatrical performance.

This symposium aims to reflect on these questions in a fresh way. It will take the form of a workshop with time slots planned for collective reflection on texts and methods, aiming to bring out new critical strategies.

The research questions include (but are not limited to):

•  What historical sources inform us about these various spectator “roles”?
• Should we speak of spectatorial “roles” or “identities”? Can current sociological debates on social role theory shed light on this (Coenen-Huther 2005)?
• If so, how did playwrights elicit them? How did tragic, comic, satyric dramas incorporate, implicitly or explicitly, these data about the audience in their diversity?
• Did these “roles” or “identities” overlap or could they be compartmentalized?
• Did they imply different regimes of engagement with performances?
• In what extra-theatrical contexts (how, and for what purposes) were spectators assigned the role of theatergoers?
• What psychological and cognitive concepts, ancient or modern, can be mobilized to think about these transfers of sensitivity, imagination, and skills, from one domain to another?

References cited :
Budelmann F., T. Power T., Another Look at Female Choruses in Classical Athens. Classical Antiquity 1 October 2015; 34 (2): 52–295.
Coenen-Huther J., « Heurs et malheurs du concept de rôle social », Revue européenne des sciences sociales, XLIII-132 | 2005, 65-82.
Hedreen, G. (2007). Involved spectatorship in archaic Greek art. Art History, 30(2), 217-246.
Revermann, M. (2006). The competence of theatre audiences in fifth-and fourth-century Athens. The Journal of Hellenic Studies, 126, 99-124.
Robson, J. (2017). Humouring the masses: the theatre audience and the highs and lows of Aristophanic comedy. In Grig, Lucy (ed.), Popular culture in the ancient world, Cambridge: Cambridge University Press, 66-87.
Roselli, D. K., 2011. Theater of the People: Spectators and Society in Ancient Athens. University of Texas Press.
Villacèque, N. Spectateurs de paroles : Délibération démocratique et théâtre à Athènes à l’époque classique. Nouvelle édition [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2013 (généré le 15 juillet 2021).

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